20 Décembre
Le photographe franco-américain Elliot Erwitt (1928-2023) a grandi à Milan avant d’émigrer aux Etats-Unis en 1938. Adolescent, il vivait à Hollywood, où il s’est passionné pour la photographie, avant de partir pour New York en 1948. En 1953, il a rejoint la prestigieuse agence Magnum Photos, dont il a assuré la présidence à la fin des années 1960. Réputé pour ses images en noir et blanc, Erwitt sut capter des scènes cocasses du quotidien avec un sens aigu de l’observation et une profonde humanité. Felix, Gladys and Rover, fait partie d’une série de plus de 500 images que l’artiste a consacrée aux chiens, qu’il photographiait avec humour et tendresse. Il disait d’ailleurs : « Je ne fais pas des photos avec des chiens, je prends des chiens en photo ».
Dans cette œuvre emblématique, prise à Central Park en plein hiver 1974, Erwitt crée une scène où le comique naît de la confusion des repères. Le photographe s’est placé à hauteur de chien, adoptant un point de vue inédit qui nous met au même niveau que Rover, un petit chihuahua à l’air désabusé, emmitouflé dans un manteau, une écharpe et un béret à pompon. Ce choix technique, renforçant l’empathie avec le modèle, nous invite à voir le monde selon une perspective canine.
Le cadrage serré de l’image amplifie cette étrangeté en ne montrant que les pattes avant de Felix, un imposant dogue allemand, et les jambes de la maîtresse. Cette construction crée une analogie visuelle entre les bottes de la femme et les pattes fuselées du chien, conférant à la scène une dimension insolite et presque surréaliste. La composition repose sur un contraste saisissant : les bottes noires massives de Gladys, parfaitement centrées, se détachent nettement sur le fond clair enneigé. Cette séparation visuelle souligne la disproportion amusante entre le grand chien et le petit Rover, tout entier visible à droite.
Cette photographie amuse également par son décalage narratif. Erwitt personnifie les deux chiens, comme l’indique le titre qui les nomme aux côtés de leur maîtresse, les plaçant sur un pied d’égalité. Le chihuahua, avec son accoutrement d’enfant emmitouflé, semble tout droit sorti d’un dessin animé, tandis que le dogue allemand, hors champ à l’arrière, prend une posture presque humaine. La scène évoque l’idée d’un couple promenant leur enfant au parc, une satire attendrie sur l’humanisation exagérée de certains maîtres vis-à-vis de leurs animaux de compagnie.
À travers ce mélange d’absurde et de réalisme, il interroge subtilement la relation entre l’humain et l’animal. Ce jeu visuel, à la fois plaisanterie et méditation, reflète son art de capturer l’essence des instants anodins et d’en révéler la profondeur et la poésie. Felix, Gladys and Rover illustre à merveille le talent d’Erwitt : saisir les contradictions et les surprises du quotidien pour en faire des scènes à la fois drôles et puissantes, où le spectateur est invité à regarder le monde avec un regard neuf, empreint de légèreté et de réflexion.
Très drôle ! J’adore
😉
<3
J’avais adoré l’expo Eliott Erwitt au musée Maillol (l’Anne dernière?). Merci de raviver ce souvenir avec cette super amusante (et très belle) photo!