4 Décembre
Bien que les anges soient des figures emblématiques de l’iconographie de Noël, le christianisme n’en détient pas le monopole. Dans la spiritualité islamique, les anges, créés à partir de lumière pure, incarnent la bonté et la bienveillance divines. Cette enluminure, issue d’un manuscrit créé vers 1555 à Boukhara (dans l’actuel Ouzbékistan), en est une illustration éloquente. Carrefour incontournable des routes de la soie, Boukhara devint au XVIe siècle une capitale commerciale, mais aussi un centre d’érudition, de culture et de religion, où fleurirent de nombreux ateliers de manuscrits, attirant des artistes de renom. Ce feuillet enluminé, qui représente un ange gracieux à la beauté sereine, témoigne de la richesse des échanges culturels et artistiques au sein de l’école de Boukhara.
Bien que les anges apparaissent dès les premiers manuscrits islamiques, leur représentation s’inspire souvent de prototypes préexistants. Ici, la figure centrale est dérivée d’un modèle persan bien connu de femme assise. L’ajout de deux ailes, légèrement superposées, la transforme en ange, assis sur un tapis persan dont l’inclinaison verticale dévoile le raffinement du décor. L’ange tient dans ses mains une coupe et une fiole dorée, des attributs qui pourraient symboliser l’hospitalité, ou évoquer les descriptions du Paradis (Jannah) dans le Coran, où des êtres célestes servent des boissons aux fidèles à l’aide de coupes. Il est vêtu de tissus somptueux et de parures typiques de la mode de l’époque.
Des éléments bouddhiques, tels que les longs rubans flottants et les pieds en forme de flammes, rappellent les figures célestes dans l’art asiatique. Le fond, orné d’arabesques et de motifs floraux, typique de l’école de Boukhara, s’inspire de l’art chinois. Ce vocabulaire ornemental s’est intégré dans l’art persan dès le XIVe siècle, à une époque où l’Iran, l’Asie centrale et la Chine étaient sous domination mongole. Ce métissage témoigne des échanges culturels et spirituels qui ont enrichi les représentations au fil des siècles. La connexion avec la Chine est renforcée par les vers de poésie persane qui encadrent l’ange et évoquent sa beauté en lien avec la Chine, pays idéalisé dans la littérature et la culture persanes.
Le style du visage, légèrement ombré et aux grands yeux saillants, évoque la peinture indienne moghole contemporaine. Il est possible que cette œuvre ait été réalisée par un artiste moghol travaillant à Boukhara. Ainsi, ce feuillet présente donc un fascinant exemple de l’universalité de la figure angélique, mais aussi des transmissions culturelles qui ont enrichi l’art islamique en intégrant des influences variées, des traditions persanes et bouddhiques aux esthétiques mogholes et chinoises.
J’adore cet ange moghol. Je n’en avais jamais vu alors que je m’intéresse aux miniatures indiennes. Merci!
C’est vrai qu’il est sublime ! Merci Annick pour votre commentaire 🙂
Très joli !
Je ne savais pas que les anges étaient si représentés dans l’islam, merci pour ce partage.
Merci pour ton commentaire, j’aime essayer de sortir du cadre européen et on a parfois de très belles surprises !!
Une belle œuvre, et bien préservée malgré son âge ! Merci de nous ouvrir à une culture autre que Européenne.