24 Décembre

Quoi de plus festif que du champagne et des oranges ? Présents sur le comptoir de ce célèbre tableau, ils évoquent autant les plaisirs de Noël que l’effervescence du Paris de la fin du XIXe siècle. Dans Un bar aux Folies-Bergère, dernier grand chef-d’œuvre d’Édouard Manet (1832–1883), ces éléments s’intègrent dans une somptueuse nature morte, incluant des bouteilles de bière anglaise Bass, identifiable à leur triangle rouge, mais aussi deux roses disposées dans un verre de vin. L’œuvre illustre à merveille l’opulence d’une soirée aux Folies-Bergère.

Achevé en 1881 et exposé au Salon de 1882, le tableau fascina par son réalisme et son audacieux jeu de reflets.  Au centre de la composition se tient Suzon, une barmaid au regard mélancolique et détaché. Sa peau nacrée contraste avec sa tunique en velours bleu et le noir intense de son collier. Appuyée sur le plateau en marbre, elle semble presque figée en pleine introspection.

Derrière elle, un miroir reflète la salle animée, baignée dans la lumière des grands lustres électriques. Badauds et élégantes se pressent dans la galerie du premier étage, décrit par Maupassant dans Bel-Ami comme un « ciel ennuagé de fumée », tandis qu’une trapéziste en bottes vertes, pourtant objet du spectacle, est coupée par le cadre.

Faisant fi des lois de la perspective, le miroir introduit aussi une étrange distorsion : les bouteilles ne correspondent pas à celles sur le plateau, et le reflet de Suzon, comme celui de l’homme avec lequel elle interagit, est décalé vers la droite. Ce jeu de reflets crée une atmosphère troublante, questionnant la relation entre Suzon et ce client, et évoquant l’ambiguïté des échanges sociaux.

Les Folies-Bergère, inaugurées en 1869, étaient l’un des cabarets les plus prisés de Paris. Manet, familier des lieux, réalisa des esquisses sur place avant de recréer la scène dans son atelier de la rue d’Amsterdam. Suzon, qui posa pour le peintre, incarne une figure à la fois centrale et isolée, immobile au cœur du tumulte et indifférente au tourbillon de plaisirs qui l’entoure.

La composition de Manet illustre parfaitement les thèmes de la modernité : les travailleurs, les lieux de loisir, mais aussi les tensions entre l’individu et la foule. En revisitant Un bar aux Folies-Bergère, on ne peut s’empêcher d’être absorbé par ce regard énigmatique. À la fois portrait psychologique et scène de vie moderne, le tableau capture l’esprit d’une époque tout en restant intemporel. Alors, en cette veille de Noël, laissez cette œuvre vous rappeler que même au milieu de l’agitation, il y a toujours une histoire à contempler – et peut-être un verre à lever  pour célébrer la magie de l’art et des fêtes !

Très bon réveillon à tous et à demain pour la dernière case ! 😊