10 œuvres incontournables pour la rentrée des classes
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La rentrée des classes

Le mois de septembre rime avec la frénésie de la rentrée des classes qui s’empare de tous les domaines. La rentrée est politique, culturelle et bien-sûr scolaire. S’il s’agit là d’un phénomène bien français, je vous propose de voyager dans le temps et l’espace pour explorer comment l’art a représenté la vie scolaire et studieuse à travers les âges. J’ai sélectionné dix exemples, de l’Antiquité à nos jours, pour évoquer à chaque fois un aspect différent: parfois sérieux, parfois plus comique, mais toujours universellement humain.

1. Tablette cunéiforme, 3300 - 3100 av. J.-C.

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Tablette cunéiforme, 3300 - 3100 av. J.-C. Provenance: Uruk (Irak actuel). Argile, 8 x 5 cm. British Museum, Londres.
Selon l’historien américain Samuel Noah Kramer, « L’Histoire commence à Sumer ». En effet, les racines de l’écriture se situent en Mésopotamie, dans la région actuelle de l’Irak. Ces prémices de l’écriture remontent à environ 3200 avant J.C., se matérialisant sur des tablettes en argile. À cette époque, elles arboraient des pictogrammes, des représentations simplifiées d’objets. Avec le temps, ces pictogrammes devirent plus abstraits, donnant lieu à l’écriture cunéiforme. Le cunéiforme présente des symboles constitués de petites formes de clous (d’où son nom dérivé du latin « cuneus ») et continua de se développer jusqu’à compter près de 600 signes distincts.L’écriture cunéiforme fut utilisée pendant plus de 3000 ans dans plus d’une quinzaine de langues différentes, perdurant jusqu’au Ier siècle de notre ère. Les premières inscriptions mésopotamiennes étaient couramment réalisées à l’aide d’un stylet en bois ou en roseau, gravées sur des tablettes en argile encore fraîches. Une fois les symboles inscrits, les tablettes étaient laissées à l’air libre pour sécher. Ces artefacts écrits révèlent un aperçu précieux de la vie antique.Le British Museum conserve par exemple une tablette qui détaille les rations d’orge destinées aux travailleurs et identifie également la personne responsable de la transaction. Au verso, on trouve les résultats des calculs consignés sur la face principale.Dans le Proche Orient ancien, la gestion des registres était une tâche complexe, exigeant une grande précision, des compétences mathématiques, et la maîtrise d’un système de mesure normalisé, adapté aux diverses marchandises enregistrées. Les scribes de l’époque, considérés comme des fonctionnaires, suivaient une formation rigoureuse.L’écriture cunéiforme, initialement créée pour des besoins pratiques, a rapidement évolué pour inclure l’enregistrement de croyances religieuses, de souvenirs et d’histoires, dont la célèbre épopée de Gilgamesh, qui est aujourd’hui étudiée en classe de 6ème. Cette écriture ancienne nous offre ainsi une fenêtre fascinante sur les débuts de l’écriture et de la civilisation.

2. Le Scribe Accroupi, vers 2500 av. J.-C.

la rentrée des classes
Le Scribe Accroupi, vers 2500 av. J.-C. IVe dynastie, Égypte ancienne. Calcaire, albâtre égyptien, cristal de roche et cuivre, 53,7 x 44 x 35 cm. Musée du Louvre, Paris.
Et justement, voici certainement le plus célèbre scribe de l’histoire de l’art ! Ce chef-d’œuvre des collections égyptiennes du Louvre, datant de l’Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.) représente un personnage s’apprêtant à écrire sur un papyrus posé sur ses genoux.La sculpture en pierre calcaire est remarquable par sa polychromie, particulièrement bien conservée. Ses cheveux noirs et ses chairs ocre rouge contrastent avec le pagne blanc du scribe, qui déroule son support d’écriture avec la main gauche, tandis que sa main droite semble tenir un objet aujourd’hui disparu. Très vraisemblablement s’agissait-il d’un calame, une tige végétale façonnée afin de servir de pinceau.Comme en Mésopotamie, les scribes égyptiens étaient des hauts fonctionnaires chargés de la gestion des biens et des domaines.  L’identité du scribe reste inconnue, puisque la base de la sculpture, qui comportait certainement une inscription hiéroglyphique, a été perdue. Ce qui fascine les spectateurs aujourd’hui, en revanche, c’est son regard. Les iris, formés de cônes de cristal de roche poli, reflètent la lumière, ce qui anime son regard d’une étincelle de vie et d’expression et donne l’impression que ses yeux élégamment bordés d’un trait de khôl nous fixe avec intensité.Notre scribe dit « accroupi » – remarquez qu’il est en réalité assis en tailleur – fut découvert à Saqqara en 1850 par le célèbre archéologue Auguste Mariette. Si son nom reste inconnu, il apparaît évident que notre scribe a occupé un poste prestigieux au sein d’un temple ou auprès d’un haut dignitaire, puisqu’il a été enterré aux pieds de la tombe du roi Djoser, marquée par une imposante pyramide à degrés

3. Livre d’Heures de Catherine de Clèves, vers 1440.

L’affirmation selon laquelle le roi Charlemagne aurait inventé l’école est un mythe, mais l’histoire de la scolarité au Moyen Âge n’en demeure pas moins fascinante. Les manuscrits enluminés, telle cette miniature, extraite du recueil de prières de Catherine de Clèves, nous en livrent des témoignages savoureux,

Dès l’an 529, le Concile de Vaison avait ordonné aux prêtres de se charger de l’éducation de jeunes garçons, mais l’admonitio generalis de Charlemagne donna effectivement un nouvel élan à l’instruction au VIIIe siècl., exigeant la création d’écoles pour enseigner aux enfants la lecture, mais aussi l’étude des psaumes, de la musique liturgique, du calcul, et de la grammaire.

Au XIe siècle, des écoles gratuites commencèrent à apparaître dans les villes, répondant au besoin d’instruction des futures générations de marchands et d’artisans. Une centaine d’entre elles existaient notamment à Paris au XVe siècle.

C’est justement vers 1440 que fut réalisé par un artiste anonyme à Utrecht le Livres d’Heures de Catherine de Clèves,  duchesse de Gueldre en Flandre, destiné à la dévotion privée de cette dernière. Reconnu comme l’un des plus somptueux manuscrits du Moyen Âge, il contient 157 miniatures, dont la finesse exquise firent du « Maître des Heures de Catherine de Clèves » l’un des plus brillants enlumineurs de son époque. L’artiste est particulièrement reconnu pour la fantaisie de ses bordures, dont aucune n’est identique, et pour son attrait pour les scènes du quotidien.

Ici, cette charmante scène de classe sert à illustrer le cinquième des sept dons du Saint-Esprit : la connaissance. Les enfants, munis d’une poche en cuir en guise de cartable, sont installés sur la paille face au professeur trônant sur une chaire. Un jeune homme agenouillé lit un livre tenu par son enseignant. L’enfant semble bénéficier de l’inspiration de la colombe du Saint-Esprit. Sur le phylactère se déploie l’extrait du Psaume 2, verset 12, selon lequel la clé de la connaissance est l’apprentissage de la discipline. En ce sens, l’enseignant tient en main des baguettes, servant à réprimander les éventuels élèves dissipés…!

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Le Maître de Catherine de Clèves, Livre d’Heures de Catherine de Clèves, M.917/945, p. 62, vers 1440. Manuscrit enluminé, 19,2 x 13 cm. Pierpoint Morgan Library & Museum, New York.

4. Ja'far Baisunghuri, Laylâ et Majnûn à l’école, 1431–32.

A la même époque mais sur un autre continent, un autre feuillet enluminé nous montre une scène d’école bien plus luxueuse, mais peut-être un peu moins studieuse, malgré les apparences… Cette miniature provient d’un manuscrit illustré de la célèbre histoire de Laylâ et Majnûn, écrite par Nizami, un grand poète persan du XIIe siècle

Le livre fut commandé par le prince timouride Baysunghur Ier, l’un des plus grands bibliophiles de son époque. Ce dernier invitait à Herat (capitale de l’Empire timouride située dans l’actuel Afghanistan) tous les plus éminents peintres de son temps, venus de Bagdad, Tabriz, Shiraz ou encore Samarkand pour illustrer sa prestigieuse collection de livres.

Ce feuillet représente les deux héros du récit de Nizami, se rencontrèrent enfants à l’école de la mosquée. Le jeune Qais tomba immédiatement amoureux de Laylâ, ce qui lui valut son surnom de Majnûn, c’est-à-dire « fou d’amour ». La composition place d’ailleurs les amoureux dans le mirhab (la niche de prière) de la mosquée, soulignant le caractère prédestiné de leur union mystique, qui ne sera d’ailleurs jamais consommée.

 Conformément aux conventions de l’art persan, fixées au tournant du XVe siècle dans les cités royales de Tabriz, puis d’Herat, cette peinture intègre, au sein-même d’une illustration figurative, l’esthétique abstraite de la calligraphie et de l’architecture islamique. Les arabesques et végétaux stylisés abondent dans cette image, ornant les murs carrelés comme les tapis, rendus à merveille par une palette éclatante et contrastée, rehaussée de dorures. L’ensemble crée une harmonie visuelle qui captive le regard et agit comme un contrepoint visuel à l’alchimie amoureuse entre Laylâ et Majnûn. Ce style de peinture de cour resta en faveur pendant près de deux siècles encore en Iran, en Turquie et en Inde.

 

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Ja'far Baisunghuri, Laylâ et Majnûn à l’école, 1431–32. Afghanistan, Folio issu du Khamsé de Nijami. Encre, aquarelle opaque et dorure sur papier, 31.3 x 22.9 cm. Metropolitan Museum of Art, New York.

5. Antonello de Messine, Saint Jérôme dans son étude, vers 1474.

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Antonello da Messina, Saint Jérôme dans son étude, vers 1474. Huile sur panneau de tilleul, 45,7 cm × 36,2 cm. National Gallery, Londres.

S’il est une œuvre qui dégage une atmosphère studieuse, c’est bien celle-ci. Le peintre Antonello da Messina, originaire de Sicile, propose ici un panneau largement inspiré par les peintres néerlandais de son époque. Ce tableau présente un décor riche, fourmillant de détails rendus avec une précision extraordinaire grâce à la technique de la peinture à l’huile, que le peintre a popularisé dans l’Italie de la Renaissance.

A travers une arche en pierre qui invite le regard, tout en maintenant une séparation symbolique entre la réalité et la picturalité (le monde de la peinture), nous observons le cabinet d’étude de saint Jérôme, l’un des pères de l’Eglise catholique né au IVe siècle et célèbre notamment pour avoir traduit la Bible en latin (la Vulgate). Au premier plan, l’espace est gardé par une perdrix, symbole de la vérité, et un paon, symbole d’immortalité. L’imperturbable saint Jérôme revêt ici un habit de cardinal, ce qui souligne son rôle majeur dans l’Église catholique, mais notez qu’il a retiré ses chaussures pour se mettre à l’aise !

Le cabinet s’insère dans une majestueuse architecture gothique avec des colonnes élancées, mais aussi un magnifique sol carrelé. Le lion, animal associé à saint Jérôme, est représenté dans l’allée à droite, tandis qu’un paysage amène de la lumière au fond de la composition. Saint Jérôme est entouré de ses biens matériels, présentés sur des étagères : des livres, mais aussi un vase en céramique et un crucifix accroché au-dessus de son bureau. La minutie des détails, le rendu des textures des objets mais aussi le traitement de la lumière rappellent le style de Jan van Eyck, par exemple. Antonello da Messina crée une atmosphère immersive dans cette œuvre qui invite le spectateur à se plonger dans l’ambiance studieuse de Jérôme.

6. Jan Steen, Une Ecole pour filles et garçons, vers 1670.

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Jan Steen, Une Ecole pour filles et garçons, vers 1670. Huile sur toile, 83,5 x 109,2 cm. National Museums of Scotland, Edimbourg.

Si vous avez l’impression d’avoir raté votre rentrée, voici de quoi vous rassurer : vous pourriez-être l’instituteur de cette classe ! Cette huile sur toile fut réalisée vers 1670 par Jan Steen, un peintre néerlandais du XVIIe siècle, réputé pour ses scènes de genre à la fois humoristiques et moralisatrices, dépeignant toujours un joyeux capharnaüm, se déclinant au sein du foyer, dans une auberge ou, comme ici, à l’école.

Si la composition de l’œuvre s’inspire lointainement de L’Ecole d’Athènes de Raphaël, nous sommes loin de la réunion rigoureusement ordonnée des grands esprits de l’Antiquité. Dans établissement scolaire bien contemporain de Steen, les deux adultes a priori responsables ne semblent pas se rendre compte du chaos qui règne dans la pièce. Tandis que l’enseignant semble plus préoccupé à tailler la pointe de sa plume, il est moqué par un écolier derrière lui. L’autre enseignante, quant à elle, est affairée avec les deux ou trois élèves studieux.

La plupart des autres enfants dorment, jouent, se chamaillent entre eux… sur la droite, l’un d’eux  tend une paire lunettes à une chouette… il s’agit là d’un jeu de mots et d’un trait d’esprit de la part du peintre. En effet, il se réfère à un proverbe hollandais que l’on pourrait traduire par : « A quoi bon les lunettes ou la lumière si la chouette ne désire pas voir ? ». Ainsi, comme souvent dans les tableaux hollandais de cette époque, le contenu amusant est prétexte à un message plus sévère, invitant à la sagesse et à la modération.

 

7. Jean-Henri Riesener et Jean-François Oeben, Secrétaire à cylindre du Cabinet Intérieur de Louis XV à Versailles, 1760 - 1769.

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Jean-Henri Riesener (ébéniste), Jean-François Oeben, Secrétaire à cylindre du Cabinet Intérieur de Louis XV à Versailles, 1760 - 1769. Bronzes ciselés et dorés (par Duplessis, Winant et Hervieux) et marqueterie de bois, hauteur 147,3 x largeur 192,5 cm x profondeur 105 cm. Dépôt du musée du Louvre au Château - Domaine national de Versailles.

Imaginez pouvoir travailler sur un bureau réalisé sur mesure pour correspondre à tous vos besoins ? Le roi Louis XV s’offrit ce luxe avec ce secrétaire à cylindre, désormais si célèbre et unique qu’il est souvent appelé simplement le « Bureau du Roi ». En effet, Louis XV, qui s’intéressait beaucoup à la politique étrangère, recevait régulièrement des espions dans l’arrière-cabinet de ses appartements privés. Conseillé par Madame de Pompadour, le roi commanda en 1760 à l’ébéniste Jean-François Œben un meuble au mécanisme ingénieux, qui pourrait assurer la confidentialité de ses documents sensibles et correspondances privées.

Le bureau conçu par Œben et achevé neuf années plus tard par son apprenti Jean-Henri Riesener, comporte de nombreux tiroirs permettaient de ranger les courriers, mais aussi et surtout un couvercle amovible. Constitué de 7 lames de bois articulées, le cylindre pouvait être ouvert et fermé d’un simple tour de clef grâce à un système de ressorts. Ce mécanisme, aussi innovant qu’inédit, et contribua à établir la réputation de Riesener auprès de la monarchie française. La confection du bureau sollicita 14 corps de métiers différents et coûta 62 000 livres à Louis XV.

Le style de ce chef-d’œuvre d’ébénisterie est caractéristique de son époque. Son décor en bronze et sa marqueterie de bois exotiques sont d’un grand raffinement. Sur le couvercle, des cartouches présentent les attributs de la royauté flanqués de ceux de la poésie dramatique à gauche et de la poésie lyrique à droite. L’arrière du secrétaire comporte les attributs des mathématiques et de l’astronomie, tandis que la guerre et la marine sont mis à l’honneur sur les flancs. L’ensemble est surmonté d’une pendule miniature réversible, permettant de donner l’heure au roi et à ses visiteurs… car il fallait tout de même, après tout cela, se mettre au travail !

8. Edgar Degas, La Classe de danse, 1873-1876.

Dans les années 1870, Edgar Degas imaginait la rentrée à l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris ! Le peintre fréquentait assidûment l’Opéra rue Le Peletier, avant l’inauguration de l’emblématique Opéra Garnier en 1875. L’opéra était un lieu privilégié pour assister aux spectacles, mais aussi pour être vu. Mais Degas se prit de passion pour les coulisses de ce lieu et le foyer de la danse, grâce à un ami musicien dans l’orchestre.

Dès les années 1870, il se plongea dans l’univers de la danse, observant les danseuses dans leurs mouvements et explorant une variété infinie de postures et de gestes. Il travaillait inlassablement pour rendre au plus près l’expressivité des corps et explorait même la sculpture pour mieux comprendre les formes en trois dimensions et les traduire en peinture.

Dans ce tableau conservé au musée d’Orsay, la scène est imaginaire, car Degas n’a jamais pu assister aux cours de danse. Pourtant, cela nous étonne compte tenu de l’incroyable spontanéité émanant de l’œuvre.

Seule la jeune ballerine exécutant une figure pour le maître de ballet Jules Perrot semble attentive au cours. Les autres semblent assez dissipées : elles bâillent, s’étirent, se grattent le dos, ajustent leur coiffure ou leur corsage. Degas montre ainsi son intérêt pour les gestes anodins, les moments de pause et d’entre-deux,  où la concentration et le corps se relâchent.

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Edgar Degas, La Classe de danse, 1873-1876. Huile sur toile, 85,5 x 75 cm. Musée d’Orsay, Paris.

Le point de vue en légère plongée, inspiré des estampes japonaises ukiyo-e, permet au spectateur de voir les coulisses de la préparation d’un spectacle, ainsi que l’observations de détails tels que l’arrosoir, servant à humidifier le parquet pour éviter que les danseuses ne glissent. Degas, en véritable peintre de la vie moderne ayant exposé à plusieurs reprises avec les impressionnistes, cherche attirer notre attention sur l’effort et la discipline que requièrent la danse, plutôt que sur l’illusion de grâce et de légèreté que procure l’expérience d’un spectacle de ballet.

9. Peuple Nkanu, Panneaux muraux d’initiation, début du XXème siècle.

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Peuple Nkanu, Panneaux muraux d’initiation, début du XXème siècle. République démocratique du Congo. Bois, pigment 84.8 x 132 x 18.5 cm. National Museum of African Art, Smithsonian Institution, Washington D. C.

La transmission de connaissances aux jeunes génération ne passe pas toujours par un cadre strictement scolaire. Le peuple Nkanu, résidant au sud-ouest de la République démocratique du Congo, organise pour les garçons, à l’âge de la puberté des rituels d’initiation appelés nkanda ou mukanda. Se déroulant sur plusieurs mois, à l’écart de la communauté, ces rituels marquent le passage de l’enfance à l’âge adulte. Outre des changements physiques comme la circoncision, les initiés acquièrent des connaissances spécialisées et compétences nécessaires à la vie d’adulte.

Les enceintes d’initiation Nkanu, documentées par des photographies du début du XXe, ressemblent à des structures à toit de chaume ouvertes sur un côté, permettant ainsi aux spectateurs de voir les sculptures à l’intérieur, réalisées par des sculpteurs sur bois spécialisés. Ces cinq panneaux sculptés polychromes, acquis par une mission catholique belge, présentent trois figures en haut relief entourés de panneaux décoratifs. 

Au centre, une figure d’homme coiffé d’un chapeau porte un costume à l’européenne avec une veste et un pantalon. Sur les côtés, deux soldats portant des uniformes et des armes à feu. L’un des soldats porte des cartouches, l’autre semble être au repos eu égard à sa jambe relevée. Autour des figures en haut-relief se déploie tout un réseau de décors géométriques qui enrichissent la composition :  losanges concentriques, feuilles stylisées, demi-cercles, zig-zags et hachures croisées…

Ces panneaux servaient probablement de rendre visuellement le contenu des récits et proverbes liés au processus d’initiation. Ils pouvaient ainsi être utilisés comme un support permettant aux anciens d’enseigner les valeurs morales et sociales aux initiés. Les panneaux pouvaient également constituer un moyen spectaculaire pour les anciens Nkanu de faire connaître la réussite du cycle d’initiation, puisque les sculptures réalisées sur le camp d’initiation devaient faire l’objet d’une exposition publique pour clore l’événement, comme une cérémonie de remise des diplômes d’un autre genre!

 

10. Ai Weiwei, Remembering, 2009.

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Ai Weiwei, Remembering, 2009.​ Installation, sacs à dos d'enfants sur la façade de la Haus der Kunst de Munich.

Pour terminer cette sélection, l’œuvre  d’Ai Weiwei intitulée Remembering était incontournable. Ce projet fascinant vit le jour à Munich en 2009, à l’occasion de l’exposition rétrospective « So Sorry » que la Haus der Kunst consacra à l’artiste chinois. Sur la façade de la Haus der Kunst, Ai Weiwei disposa 9000 cartables d’écoliers de différentes couleurs – bleus pour le fond, puis une alternance de rouge, jaune et vert pour les caractères mandarins formant les mots: « Pendant sept ans, elle vécut heureuse sur cette terre. »

Cette phrase poignante fut prononcée par la mère d’une petite fille tragiquement décédée lors du séisme de Sichuan en 2008, où quelques mille enfants perdirent leur vie suite à l’effondrement de leurs écoles. L’installation d’Ai Weiwei, au-delà d’une réponse personnelle à une tragédie, avait une portée hautement politique puisque l’artiste dénonçait à la fois la négligence des autorités chinoises, responsables de la non-conformité des bâtiments effondrés, mais aussi du silence du gouvernement suite à la catastrophe.

Profondément engagé, Ai Weiwei consacre une grande partie de son œuvre à lutter contre la corruption du gouvernement chinois. Son travail d’enquête auprès des familles des victimes du séisme a d’ailleurs entraîné son arrestation, puis son incarcération, ainsi que la destruction de son atelier. Avec Remembering, Ai Weiwei a souhaité rendre hommage à ces enfants. Son exposition munichoise ayant eu lieu à l’automne, les arbres dissimulant la façade ont progressivement perdu leurs feuilles, mettant en lumière le message si bouleversant de l’installation.

Laquelle de ces œuvres vous inspire le plus? En auriez-vous une à ajouter? Dites-le moi dans les commentaires!

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Delphine Malet
1 année il y a

Merci Charlotte pour cette plongée dans un thème peu abordé en histoire de l’art! J’ai découvert avec plaisir le livre d’heures de Catherine de Cleves et regardé sous un angle nouveau le tableau de Jean Steen. Merci aussi pour la touche finale contemporaine avec Aï Weiwei !
Cependant c’est toujours Degas qui emporte mon suffrage

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