Calendrier impressionniste – Jour 6
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Calendrier impressionniste - Jour 6 1
Armand Guillaumin, Soleil couchant à Ivry, 1873. Huile sur toile, 65 x 81 cm. Musée d’Orsay, Paris

Aujourd’hui, mettons en lumière Armand Guillaumin, un peintre méconnu, mais pourtant très fidèle au groupe impressionniste, exposant à six des huit expositions. Né à Paris d’une famille ouvrière originaire de Moulins, il commença à travailler dès l’âge de quinze ans dans le magasin de son oncle, tout en prenant des cours de dessin le soir. A partir de 1860, il fut engagé dans la compagnie des Chemins de fer d’Orléans, puis dans le Service des Ponts et Chaussées de la Ville de Paris, où il travaille la nuit pour pouvoir peindre le jour.

Son emploi l’empêchant de trop s’éloigner de la capitale, Guillaumin peignit régulièrement les bords de la Seine. C’est donc en proche banlieue que Guillaumin réalisa son Soleil couchant à Ivry. Bien que le coucher de soleil soit un motif classique en peinture, Guillaumin parvient à lui insuffler une atmosphère singulière. Contrairement aux représentations habituelles, cette scène n’est ni grandiose, ni pittoresque. Au contraire, elle semble capturer un instant ordinaire, presque banal, du quotidien urbain.

Les bords de la Seine se transforment ici en un témoignage de l’industrialisation croissante de la ville. En ce sens, ce tableau, présenté à l’exposition inaugurale de 1874, entre en résonance avec Impression, soleil levant par la présence de cheminées d’usine. Mais contrairement à Monet qui brouille le mélange de brumes et vapeurs, Guillaumin distingue nettement les traînées de fumée émanant des cheminées. Bien qu’il adopte la touche divisée de l’impressionnisme, il matérialise la persistance des volutes de fumée dans l’air qui, manifestement plus épaisses que les nuages, se détachent fièrement contre le ciel doré, tels des étendards triomphants rehaussés de pourpre.

Dans cette recherche de solidité, Armand Guillaumin se rapproche davantage de Camille Pissarro et de Paul Cézanne, ses amis rencontrés à l’Académie Suisse. La manière dont Guillaumin utilise la sinuosité formée par la Seine pour créer un effet de profondeur est une technique proche de Pissarro (par exemple dans L’Hermitage à Pontoise). Par ailleurs, son Soleil couchant à Ivry présente un chromatisme particulièrement vif, avec des combinaisons de complémentaires : dans le ciel, le bleu fréquente l’orangé, tandis que les jaunes se mêlent aux violets. Ces contrastes colorés répondent en quelque sorte au décalage entre la beauté naturelle du ciel qui se reflète sur la surface de l’eau, et la modernité industrielle. Les arbres se dressant en contre-jour à droite de la composition pourraient d’ailleurs symboliser cette limite floue entre nature et urbanisme.

Guillaumin parvient à traduire la poésie de ce paysage industriel. Pourtant, l’imminence de l’obscurité, avec le bleu froid du ciel, pèse sur la scène. Peut-être pourrions-nous y lire un commentaire sur la réalité quotidienne des ouvriers, dont le travail alimente l’essor industriel de la ville ? Quoi qu’il en soit, le sort finit par sourire à Guillaumin qui, en 1891, après de longues années d’une vie modeste et laborieuse, gagna 100 000 francs à la loterie, lui permettant ainsi de se consacrer enfin pleinement à la peinture. Proche de Vincent van Gogh au moment de la dernière exposition impressionniste, l’exaltation de la couleur resta au cœur des recherches d’Armand Guillaumin, parfois surnommé « l’impressionniste fauve ».

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Odile
Odile
1 année il y a
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Merci pour votre texte informatif et j’ai retrouvé dans votre commentaire des pensées que j’ai eues en regardant le tableau, sur l’atmosphère de la scène et en particulier le rendu des fumées, en pensant au début de l’industrialisation qui a progressé inéluctablement. Cette vue d’Ivry doit aussi avoir beaucoup changé. Je ne connais pas ce peintre, et c’est agréable de découvrir une de ces oeuvres.

Marie Thérèse
Marie Thérèse
1 année il y a
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Belle découverte je ne connaissais pas cet artiste

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