Dans un cadrage serré mais centré, Berthe Morisot a peint une femme assise dos au spectateur, devant une psyché. Se trouvant certainement dans sa chambre, elle porte une main à ses cheveux pour se les détacher, suggérant qu’elle rentre d’un bal ou d’une autre sortie mondaine. Quelques fleurs, peut-être initialement intégrées à sa coiffure, sont posées sur le guéridon à l’arrière-plan. Notre regard est inéluctablement absorbé par l’épaule de la jeune femme, mise en valeur par son geste, mais aussi en raison du collier noir, qui n’est pas sans rappeler celui porté par la sulfureuse Olympia d’Edouard Manet. Toutefois, malgré la sensualité de la scène, il n’est pas question d’un rapport de séduction – nous ne voyons même pas le visage du modèle dans le miroir – mais nous partageons avant tout un moment d’intimité avec le modèle.
Berthe Morisot souhaite avant tout attirer l’attention sur sa facture rapide et multidirectionnelle, avec des coups de pinceau inégalement chargés en pigment, et plus ou moins longs selon les différentes zones de la toile. La richesse de la peinture à l’huile crée une surface scintillante, encore renforcé par les tons argentés, lavande, roses, bleus et blancs qui se mêlent harmonieusement pour former une symphonie colorée. Le sentiment de raffinement et de sophistication qui émane de l’œuvre avait été inspiré à Morisot par la peinture rococo du XVIIIe siècle, et notamment Jean-Honoré Fragonard pour la douceur du chromatisme et la liberté de sa touche.
Malgré la délicatesse des motifs et la légèreté visuelle de l’ensemble, il ne faut cependant pas perdre de vue l’audace picturale de Berthe Morisot. Observez la couverture du lit sur la droite, reproduisant certainement un motif fleuri, qui semble se prolonger dans la robe (ou, plus précisément, le cache-corset et la sous-jupe). Plus étonnant encore, le traitement du bras gauche du modèle est quasi-abstrait, emporté dans les mêmes touches vigoureuses. Quelques traits subtils, mais néanmoins accusés, au niveau du profil du visage et le long de l’épaule droite, prolongeant le collier, apportent de l’ancrage à la figure et soulignent le rôle toujours important du dessin. Cet équilibre parfaitement maîtrisé suscita l’admiration de nombreux artistes, dont Edouard Manet, qui en 1876 créa une œuvre visiblement inspirée de Femme à sa toilette, intitulée Devant le miroir.
Probablement présentée lors de la deuxième exposition impressionniste, ce tableau fut en tout cas acheté à Paul Durand-Ruel par le collectionneur Ernest Hoschedé en 1876. Montrée à nouveau lors de la cinquième en 1880, cette œuvre suscita l’admiration des critiques contemporains. Au-delà de la simple représentation de la vie quotidienne, l’œuvre souligne le caractère éphémère et peut-être la vanité de l’image, comme en témoigne la signature de l’artiste sur le miroir – un détail qui offre une profondeur supplémentaire à l’œuvre.