Calendrier impressionniste – Jour 15
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Calendrier impressionniste - Jour 15 1
Claude Monet, Un coin de Jardin à Montgeron, Montgeron, 1876. Huile sur toile, 175 x 194 cm. Musée d’Etat de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Au milieu des années 1870, certains impressionnistes se sont tournés vers la peinture décorative. Renoir évoqua les enjeux de l’ornementation architecturale en 1877 dans deux articles publiés dans la revue de son ami Georges Rivière (L’Impressionniste). Concevoir des œuvres sur commande privée, destinées à un lieu spécifique, impliquait une expérimentation artistique unique, répondant à la fois aux desiderata d’un client, et aux contraintes liées à l’espace choisi.  

A Argenteuil, Claude Monet avait surtout réalisé de petites toiles de format horizontal. Mais à l’été 1876, la commande d’Ernest Hoschedé l’amena à peindre des œuvres aux dimensions plus imposantes, se rapprochant du carré. Ernest et Alice Hoschedé avaient effectivement demandé à Monet de créer quatre vues du terrains entourant leur château de Rottembourg à Montgeron. Tout comme Les Dindons, ce tableau relève de cette commande, au même titre qu’Étang à Montgeron (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg) et La Chasse (collection particulière). Pour la première fois Monet concevait une série devant prendre en considération le contexte d’exposition. Il se découvrit alors un goût prononcé pour le décoratif.

Dans Coin de jardin à Montgeron, Monet simule une vue sur le jardin depuis la résidence des Hoschedé. Dans une composition originale, il place de somptueux rosiers en fleurs au tout premier plan. Avec le groupe d’arbres et la masse d’ombres à droite,  ils encerclent l’étang, n’autorisant aucun mouvement en profondeur et confinant ainsi l’espace à la surface de la toile. Ainsi, tout semble se jouer sur la surface de la toile : l’illusion de la perspective traditionnelle est vaincue au profit d’une éclatante symphonie de touches chromatiques, avec des variations autour de jaunes, verts, rouges et bleus.

Le traitement particulier des textures s’explique par l’effet décoratif recherché par Monet. Les coups de pinceau sont d’une grande variété : appliquées en taches ou en virgule, elles vont même jusqu’à créant des zigzags au sommet des arbres ou des motifs à chevron sur la surface de l’eau. Elles transforment la toile en une masse ondulante pleine de vie. Les touches sont plus épaisses et précises au niveau du massif de fleurs au premier plan. Au fur et à mesure que l’on avance dans le paysage, le traitement est à la fois plus léger et plus flou. Si l’on se focalise sur l’arrière-plan, sans l’ancrage du massif de fleurs, il est bien difficile de reconnaître le motif, tant on regarde avant tout un morceau de peinture.

Comme souvent, Monet utilise la surface de l’étang comme un miroir, juxtaposant la scène réelle avec un reflet qui tient compte des ombres (violacées) et du mouvement sur la surface de l’eau, qui répond à la sensation de vent dans les branches des arbres. Le peintre ne cherchait aucunement ici à décrire le parc, mais à rendre les conditions lumineuses et atmosphériques d’un moment spécifique de la journée. En ce sens, ce travail préfigure à plus d’un titre les nombreuses séries qu’il entreprit à partir de 1888: les meules de foin, les peupliers, les vues de la cathédrale de Rouen, et évidemment les Nymphéas, dont

Si Ernest Hoschedé acquit l’étude pour cette composition en décembre 1876, il ne put acheter Coin de jardin à Montgeron, faute de fonds. Lorsqu’il fit faillite l’année suivante, il dut se résoudre à vendre sa collection impressionniste aux enchères, à l’Hôtel Drouot. C’est finalement célèbre collectionneur russe Ivan Morozov qui acheta Un coin de jardin à Montgeron auprès du marchand Durand-Ruel en 1907.

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Odile Brice
Odile Brice
1 année il y a
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Merci Charlotte. Vos informations m’ont poussée à lire sur Ernest Hoschedé, je découvre 🙂 L’œuvre de ce jour ne m’attire pas autant que d’autres. Peut-être les taches rouges et jaunes très vives ne me satisfont pas avec les autres couleurs en fond ? Merci tout de meme !

Charlotte WILKINS
Administrateur
Répondre à  Odile Brice
1 année il y a

Merci pour votre commentaire! c’est une histoire intéressante en effet pour Hoschedé dont l’épouse est finalement devenue la deuxième de Monet! Quant à ce tableau, les associations de couleurs sont très vives, le peintre a vraiment recherché des contrastes forts – le pouvoir des couleurs complémentaires! 😉

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