En décembre 1871, Claude Monet s’installa avec sa famille à Argenteuil, un lieu de villégiature prisé des Parisiens, au Nord-Ouest de la capitale. Il s’y épanouit en tant que peintre, grâce à la nature environnante qui lui permit d’expérimenter avec la peinture en plein air. Les Coquelicots rendent l’atmosphère vibrante d’une promenade à travers champs par un temps ensoleillé.
La joie de la scène nous saute immédiatement aux yeux, bien que le site ne soit pas particulièrement pittoresque. À l’horizon, une rangée d’arbres divise l’espace en deux bandes horizontales, tandis qu’une maison indique la proximité avec la ville. Quelques nuages animent le ciel, projetant une lumière uniforme sur l’ensemble de la scène. Un couple mère-enfant – certainement Camille, l’épouse du peintre, avec leur fils Jean – marchent dans un pré, suivis d’un autre duo mère-enfant au sommet de la colline. Au-delà de leur appartenance commune à la classe moyenne, aucun lien ne semble unir les deux paires de personnages. Plastiquement, toutefois, ils forment une ligne diagonale qui dynamise la composition, tout en séparant la toile en deux zones, l’une dominée par le rouge des coquelicots, l’autre par le vert bleuté de l’herbe et du ciel.
Selon la théorie des couleurs, à laquelle Claude Monet s’intéressait, le rouge et le vert sont des couleurs complémentaires qui, lorsqu’elles sont juxtaposées, créent un contraste saisissant. Or, le peintre choisit d’une part de limiter la palette chromatique pour s’en tenir à l’essentiel, d’autre part de modérer les teintes de vert. Ainsi, les rouges sont mis en valeur sans qu’aucune dissonance n’en résulte. De même, l’ombrelle bleue au premier plan forme un subtil écho coloré avec le ciel.
Des touches variées et informelles permettent à l’artiste de suggérer les textures et formes des personnages, fleurs, herbes et nuages. Monet dilue les contours et construit une rythmique colorée avec les taches rouges évoquant les coquelicots, dont on constate que la taille est démesurée par rapport à la réalité des fleurs elles-mêmes. Cette utilisation habile de la couleur crée un effet vibrant et immersif qui transporte le spectateur au cœur du champ de coquelicots. En se concentrant sur les masses colorées et les variations de tons, Monet parvient à capturer l’essence même de la scène, privilégiant l’impression visuelle sur le rendu de détails précis.
Cette approche était aux antipodes des attentes du Salon, qui attendait d’un paysage soit un panorama spectaculaire de côtes et de collines, soit une évocation de la fertilité des terres agricoles françaises, tout particulièrement après la guerre franco-prussienne et la violente répression de la Commune de Paris au printemps 1871. Or Claude Monet dépeint ici une scène qui n’est ni pittoresque, ni franchement rurale, mais qui offre pourtant un témoignage touchant de l’intimité de l’artiste, et de l’osmose ressentie avec son environnement.
Bonjour Charlotte,
Les côteaux d’Argenteuil ont bien changé ! Je pense souvent à Monet ou à Sisley quand je passe à Argenteuil…
C’est vrai qu’il faut avouer que ce n’est plus aussi bucolique de nos jours !!! 😀
Je trouve les couleurs jolies, comme si elles déferlent de la colline.
Est-ce que ce tableau a été bien reçu lors du Salon, puisque vous mentionnez que ce genre de paysage était aux antipodes des attentes du Salon ?
Et moi non plus, je ne reconnais pas du tout Argenteuil !
Merci
Bonjour Odile! Pissarro a exposé aux Salons de 1859, 1864, 1865, 1866, 1868, 1869, ainsi qu’au Salon des refusés de 1863 (où Manet présenta son Déjeuner sur l’herbe). Cependant il n’a plus exposé au Salon après 1869, lorsqu’il a commencé à adopter une touche plus libre et empâtée ! Et à ma connaissance a arrêté d’essayer de s’y conformer 🙂
OK, merci