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9 Couples d’artistes modernes qui ont marqué l’histoire de l’art
Temps de lecture : 9 minutes

Couples d'artistes modernes qui ont marqué l'histoire de l'art

Si l’histoire de l’art compte de très nombreuses histoires d’amour, rares sont celles qui dépassent le cliché de l’artiste et de sa muse – comme Picasso et ses nombreuses amantes – ou celui de l’artiste masculin qui fait de l’ombre à sa femme, à l’instar de Jackson Pollock & Lee Krasner ou encore d’Edward et Hopper et son épouse Jo.

Découvrons donc huit exemples de couples d’artistes qui ont marqué l’histoire de l’art du XXe siècle – modernes non seulement par leur époque mais aussi par leur relation, forte d’échanges romantiques mais aussi et surtout créatifs.


Sonia & Robert Delaunay

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Sonia et Robert Delaunay
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Robert Delaunay, Rythme, Joie de vivre, 1930. Huile sur toile, 200 x 228 cm. Musée national d'art moderne, Paris.

Notre premier couples d’artistes Sonia Terk et Robert Delaunay se rencontrèrent en 1908, dans la galerie de Wilhelm Uhde. Ukrainienne élevée à Saint-Pétersbourg, Sonia était arrivée à Paris en 1906 pour suivre des cours de peinture, tandis que Robert débutait sa carrière artistique. Ils se marièrent en 1910 et accueillirent un enfant, Charles, en janvier de l’année suivante. Sonia créa alors pour son fils une couverture de berceau à partir de morceaux de tissus dont l‘esthétique fragmentée, proche du cubisme, leur donna l’idée d’adapter cette esthétique en peinture.

Couple fusionnel qui parlait d’art du matin au soir et peignait jusque sur leurs draps de lit, Robert et Sonia se lancèrent ensemble et dans des recherches approfondies autour de la diffraction de la lumière et des contrastes simultanés. En 1913, ils déclarèrent la naissance du simultanisme, reposant sur le pouvoir constructif et dynamique de la couleur. Proches du poète Guillaume Apollinaire, ce dernier nomma Orphisme leur langage de la couleur qui les mena vers l’abstraction.

Tandis que Robert théorise leurs réflexions, Sonia s’attelle à appliquer la théorie du simultanisme sur une multitude de supports :  vêtements, mobilier, théâtre… Le couple avait à cœur d’insuffler l’art dans la vie. Séparés par la mort de Robert Delaunay en 1941, Sonia continua toutefois de diffuser l’œuvre de son mari, que l’on peine souvent à distinguer de la sienne.not


Jean Arp & Sophie Taeuber-Arp

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Sophie Taeuber-Arp et Jean Arp
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Sophie Taeuber-Arp, Tête dada, 1920. Bois tourné et peint, 29,43 cm. Musée national d’art moderne, Paris.

C’est lors d’une exposition à Zürich en 1915 que Jean Arp et Sophie Taeuber se rencontrèrent pour la première fois. Sophie venait d’y emménager après une formation multidisciplinaire en Suisse et en Allemagne : tissage, peinture, danse et design. Quant à Jean, natif de Strasbourg (ville alors allemande), commençait à se faire connaître en tant que poète et artiste abstrait.

Leurs deux personnalités étaient extrêmement complémentaires : lui extraverti, elle très réservée – et leur collaboration artistique fut immédiate. A compter de 1916, ils participèrent activement à Dada – un mouvement artistique et littéraire subversif qui cherchait à briser les codes de la culture rationaliste. Les représentations du groupe au Cabaret Voltaire permirent notamment à Sophie de danser, mais aussi de concevoir des costumes et « têtes Dada » en bois tourné.

Mariés en 1922, le couple partit pour Strasbourg et obtint la nationalité française, avant de s’installer dans leur maison-atelier à Clamart. Ils y demeurèrent jusqu’en 1940 où, fuyant pour la zone libre, ils s’installèrent à Grasse et continuèrent à créer, quoique modestement. Sophie Taeuber-Arp connut malheureusement une fin tragique puisqu’elle décéda en 1943 d’une intoxication au monoxyde de carbone dans la maison de leur ami Max Bill. Dévasté de chagrin, Jean ne créa aucune œuvre pendant 3 ans, puis n’accepta d’exposer qu’à la condition que les œuvres de son épouse soient présentées aux côtés des siennes, un vrai couples d’artistes.


Lee Miller & Man Ray

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Lee Miller et Man Ray
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Man Ray, Portrait solarisé de Lee Miller, vers 1929.

Elizabeth ‘Lee’ Miller était une toute jeune étudiante en art lorsqu’elle fut remarquée par un éditeur en 1927 et devint mannequin pour le magazine Vogue. Deux ans plus tard, elle se rendit à Paris pour rencontrer le photographe surréaliste Emmanuel Radnitsky, dit Man Ray. L’attirance fut immédiate et magnétique et donna lieu à une collaboration créative intense.

En 1929, alors qu’elle se trouvait dans la chambre noire, Lee sentit quelque chose lui effleurer la jambe, prit peur et alluma la lumière. Man Ray plongea alors les négatifs développés dans le bain de fixation : le couple venait de créer, par accident, leurs premières solarisations, des tirages surexposés aux contours altérés donnaient un aspect irréel aux images.

Encouragée par Man Ray, Lee Miller s’affirma et développa son talent propre. Leur rupture en 1932 plongea Man Ray dans un désespoir terrible. Obsédé par l’image de son amour perdu, il créa une série de tableaux autour de ses lèvres. Réconciliés en 1937, ils restèrent amis jusqu’à la fin de leurs vies. Lee Miller, quant à elle, connut une carrière à succès en tant que reporter de guerre.


Frida Kahlo & Diego Rivera

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Nickolas Muray, Diego Rivera et Frida Kahlo, 1939
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Frida Kahlo, Frida et Diego Rivera, 1931. Huile sur toile, 100.01 cm × 78.74 cm. Museum of Modern Art, San Francisco.

Le couple mythique formé par Diego Rivera et Frida Kahlo continue de fasciner. Surnommés l’éléphant et la colombe par les parents de Frida Kahlo, en raison de leurs corpulences si contrastées, ils marquèrent les esprits par leur relation tumultueuse. Frida Kahlo découvrit le peintre muraliste Diego Rivera, de vingt ans son aîné, alors qu’elle n’était âgée que de quinze ans. Elle le retrouva en 1928 chez la photographe Tina Modotti et lui montra ses tableaux. Impressionné, il l’encouragea, et ils se marièrent le 21 août 1929.

Formant un couple libre, ils furent unis par leur adhésion au communisme, leur amour du Mexique, mais aussi et surtout par leur passion dévorante. Le couple connut de nombreux tourments, notamment dues aux infidélités de Rivera et aux fausses couches de Frida Kahlo, dont la santé fragile ne lui permit jamais d’enfanter. Divorcés en 1938, ils se remarièrent toutefois en 1940 et restèrent ensemble jusqu’à la mort de Frida Kahlo en 1954, âgée seulement de 47 ans.

S’ils représentaient une source inépuisable d’inspiration l’un pour l’autre, leur approche de l’art était très différente – si Diego était le peintre de la grande épopée mexicaine,  Frida documentait davantage sa vie intime dans ses tableaux. S’il était considéré comme le plus grand artiste mexicain de son temps, il n’eut de cesse de proclamer que le titre revenait à Frida Kahlo : « Je vous la recommande, non en tant qu’époux, mais comme admirateur enthousiaste de son œuvre, acide et tendre, dure comme l’acier et délicate et fine comme une aile de papillon, aimable comme un beau sourire, et profonde et cruelle comme l’amertume de la vie »


Josef Albers & Anni Albers

couples d'artistes
Josef et Anni Albers vers 1935.
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Anni Albers, Red and Blue Layers, 1954. Coton, 61,6 x 37,8 cm The Josef and Anni Albers Foundation.

Pionniers du modernisme, Josef Albers et Annelise (Anni) Fleischmann se rencontrèrent en 1922, alors qu’ils étudiaient au Bauhaus – la célèbre école d’architecture et d’arts appliqués fondée à Weimar par Walter Gropius. Si Anni se consacra à l’art du textile et Josef plutôt au vitrail, les deux artistes, partageaient une passion commune pour la couleur et les motifs géométriques.

Mariés en 1925, Josef & Anni Albers consacrèrent leur vie fut à leur art, s’encourageant mutuellement, faisant fi des modes et tendances. En 1933, fuyant l’Allemagne nazie pour se rendre Etats-Unis, ils participèrent au projet du Black Mountain College, une sorte d’université libre qui servit de plate-forme aux pratiques artistiques les plus avant-gardistes.

Auteurs, chacun en leur nom propre, d’œuvres abstraites extraordinaires, mais aussi enseignants en art, ils furent sans cesse animés par leur conviction commune que l’art se trouvait au cœur de l’expérience humaine et pouvait transformer le quotidien par le biais de l’artisanat et de l’industrie. S’ils ne collaborèrent jamais à des œuvres communes – mis à part pour des cartes de vœux – ils surent stimuler chez l’autre une production aussi variée qu’abondante.


Claude & François-Xavier Lalanne

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Pierre Boulat, Claude et François-Xavier Lalanne
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Claude Lalanne, Choupatte, 1979. Galvanoplastie, 27 x 28 cm. Musée des Beaux-Arts d’Agen.

L’œuvre sculpté de François-Xavier et Claude Lalanne fut tellement imbriqué que le monde artistique prit l’habitude de les nommer « Les Lalanne ». Ce couple se rencontra en 1952 dans une galerie. François-Xavier s’était formé à l’Académie Jullian, fréquentant des personnalités telles que René Magritte ou Salvador Dalí. Claude avait, quant à elle, étudié l’architecture à l’Ecole des Beaux-Arts et à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris.

Dès 1956, les deux artistes formèrent un duo amoureux et créatif. Tous deux très marqués par le surréalisme et le Nouveau Réalisme, ils portaient un regard décalé et émerveillé sur la nature qu’ils transcrivaient dans leurs œuvres. François-Xavier et Claude Lalanne se marièrent en 1962 et eurent en 1964 une exposition de leurs œuvres communes chez Jeanine Restany appelé « Zoophytes ». Parmi leurs œuvres emblématiques, on peut citer le Rhinocéros-secrétaire en laiton de François-Xavier Lalanne ou le Choupattes de Claude Lalanne.

Les deux artistes, qui faisaient, selon leurs propres dires, « chambre commune et atelier séparé », avaient chacun leur patte : François-Xavier influencé par le monde animal, Claude plus poétique et floral, avec des notes baroques. Quoi qu’il en soit, le couple sut créer un univers onirique et joyeux, à l’image de leur union. Créant des sculptures, mais aussi du mobilier d’intérieur et d’extérieur d’une grande inventivité, ils comptèrent parmi leurs collectionneurs la famille Rothschild, mais aussi Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, et inspirèrent même Serge Gainsbourg pour son album L’Homme à la tête de chou.


Christo & Jeanne-Claude

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Wolfgang Volz, Jeanne-Claude et Christo devant le Pont-Neuf empaqueté, 1985
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L'Arc de Triomphe empaqueté, 2021

Célèbre pour leurs empaquetages, Christo Vladimiroff Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon se rencontrèrent en 1958. Si Christo était originaire de Bulgarie, Jeanne-Claude était née à Casablanca. Pourtant, une amusante synchronité les a fait naître le même jour, le 13 juin 1935.

Influencés par le Nouveau Réalisme, un mouvement créé en 1960 s’inspirant directement d’objets du quotidien, Christo et Jeanne-Claude créèrent l’une de leurs premières installations communes en érigeant en mur 89 barils de pétrole dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés le 27 juin 1962. L’œuvre, intitulée Le Rideau de fer, évoquait bien-sûr le Mur de Berlin. Par la suite, le couple s’attela à des projets plus monumentaux et commencèrent à empaqueter des sites, monuments et paysages dont la côte de Little Bay en Australie (1969) le Pont-Neuf à Paris (1985) ou le Reichstag de Berlin (1995), les faisant disparaitre tout en les mettant en avant.

Dans une complémentarité parfaite, Christo dessinait les projets tandis que Jeanne-Claude les concrétisait. Le couple était animé par une volonté commune de créer un art démocratique, accessible à tous et impossible à commercialiser. En septembre 2021, après la disparition des deux artistes, était empaqueté l’Arc de Triomphe, réalisant ainsi un projet cher au couple et conçu dès 1962. 


Gilbert & George

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Gilbert and George, à Hambourg en 2011 devant leur oeuvre "Street Party" (2008)

Gilbert Prousch et George Passmore se rencontrèrent en 1967, alors qu’ils étudiaient à la Saint Martin’s School of Art à Londres. Ils eurent immédiatement un coup de foudre et fraîchement diplômés de leur école, créèrent leur première performance de sculpture vivante, intitulée Underneath the Arches en 1969, où ils se mirent en scène chantant et dansant comme des automates au son d’un disque diffusant une chanson des années 1930.

Gilbert et George vivent et travaillent ensemble, mais déclarent que leur relation n’a rien d’une collaboration : ils sont certes deux individus, mais constituent un seul et même artiste. Depuis près de cinquante ans, le duo, qui apparaît toujours vêtu d’élégants costumes, s’intéresse à la complexité de la vie humaine. Ils évoquent dans leurs œuvres des sujets de société, parfois tabous comme la sexualité, la religion ou la corruption.

Leur art s’exprime aussi bien par le biais de performances que d’art vidéo, de livres, de photomontages et de cartes postales, et vise à transcrire l’intensité du monde moderne. Depuis les années 1980, leurs productions sont de plus en plus colorées, et aujourd’hui utilisent le numérique pour créer de grands polyptiques. Tout en théâtralité, et pleinement acteurs et sujets de leurs œuvres, on pourrait dire que Gilbert & George cherchent à faire image plutôt que d’en créer.

Lequel de ces couples vous touche le plus? Dites-le moi dans les commentaires!

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GUERAÏNI Marcelline
GUERAÏNI Marcelline
2 années il y a

Merci Charlotte pour cette belle histoire! Claire et concise comme toujours.

Gilles Duvernay
Gilles Duvernay
2 années il y a

Bonjour Charlotte.
J’ai été particulièrement touché par l’histoire de Sonia et
Robert Delaunay auxquels j’étais déjà sensibilisé.
Merci à vous.
Gilles Duvernay

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